jeudi 26 novembre 2009

JAPON - Les 99 Haiku de Ryokan

Le haiku, « sorte de balafre légère tracée dans le temps », comme dit Roland Barthes, réussit à exprimer en peu de mots ce que l’encre suscite en quelques traits de pinceau dans la calligraphie ou la peinture : un moment privilégié, un instant de lumière, un éveil. L’un et l’autre naissent d’un même souffle, d’un même élan, au terme d’un intense recueillement. Tenu au bout des doigts, le pinceau, gorgé d’encre, est suspendu verticalement au-dessus du papier puis, d’un seul mouvement, il trace d’un signe noir qui s’inscrit avec la force de l’évidence sur la surface blanche : un mot, un kaki, un héron.
Les enfants bavards
ne l’attraperont jamais
la première luciole !
Le moine d’encre
Ryokan, le moine-ermite zen, est le quatrième des premiers « Grands » du haïku : après Basho, le premier et le maître incontesté, Issa et Buson. Il appartient à cette longue lignée des moines-poètes, tantôt errants, tantôt fixés, ermites dans un décor isolé de montagne, d’oiseaux, de fleurs, vivant et composant dans une toute petite cabane une demeure haïku, en quelque sorte, qui tend à devenir de plus en plus sobre et petite avec l’âge. Comme l’écrit Kamo no Chomei, un des ancêtres médiévaux de Ryokan : « À mesure que ma vie décline, ma demeure diminue. »
Les objets et les êtres du monde naturel, le passage des saisons, les variations de style que suscitent les pensées de la mort, de la fragilité et de l’évanouissement des êtres, voilà la nourriture de ces poètes. Et, pour Ryokan, de manière évidente, la lecture de Basho. Deux particularités de Ryokan doivent être signalées : il excelle, et sa place dans l’histoire du haïku, autour de 1800 le rend possible, à la variation significative, créatrice d’échos multipliés, jouant parfois sur une seule syllabe, à la recréation d’un grand haïku antérieur.
D’autre part, comme le dit Joan Titus-Carmel dans son introduction « l’intime relation entre sa vie et son œuvre poétique et calligraphique est exemplaire ». Chez Ryokan tout spécialement le haïku est une œuvre écrite, une goutte d’encre, une parole peinte, un moment de cet art nommé le sumi-e.
Sur ma porte de branchages
une perle de rosée
au petit matin

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